Christophe, pèlerin de Shikoku en devenir pour se connaitre, se reconnaitre et surtout se retrouver… Le Pèlerinage des 88 temples de Shikoku nous propose un voyage où chacun pourra éventuellement trouver ce qu’il est venu chercher. Je vous propose ci-après un peu de mon histoire pour appréhender ma quête qui se veux avant tout identitaire pour ne pas dire spirituelle.
Qui suis-je ?
Je m’appelle, Christophe. Je travaille en tant qu’informaticien, suis féru de voyages, ouvert à une certaine spiritualité et vision de la vie atypique empruntées à mon experience de vie mais aussi au dharma sikh, au bouddhisme et à une partie de la doctrine spirite. Joli mélange que tout cela où certains parleront de n’importe quoi ou d’idées farfelues ; qu’importe, chacun est un et doit faire avec ce qui lui parle.
Mais aujourd’hui, je suis arrivé à un point de ma vie où il me faut me retrouver et m’occuper de moi.
Cette année 2022, c’est l’année de mes 50 ans, et la vie vient de refrapper un nouveau grand coup d’arrêt. Après 2 ans et demi de combat contre un cancer rare et retord, mon tendre et cher mari Alain s’en est allé. Il était tout ce qui me restait de ma famille « directe ». Mon monde s’écroule, il ne reste plus grand chose si ce n’est la promesse que je lui ai faite de continuer à vivre. Mais comment ? Il était tout pour moi, mon âme soeur, mon confident, mon amant inconditionnel, mon ami, et bien plus que les mots ne pourront jamais exprimer.
La mort est une amie fidèle, elle se représente à rythme régulier dans ma vie pour venir cueillir un à un les êtres qui me sont les plus précieux quelque soit leur age, en dépit de la logique des choses qui aurait pu adoucir l’inacceptable. Cela a commencé à l’adolescence pour terminer le 15 mai 2022 à 10h10. Cela n’ira pas plus loin, il ne reste plus personne à conduire dans les ethers bleus(référence du dharma sikh).
Il y a des destins marqués comme cela. Il faut apprendre à laisser partir ceux que l’on aime dans un monde meilleur en attendant d’être rappelé à son tour. Leçon, Ôh combien difficile à accepter et à intégrer, notre égoïsme prévalant sur la joie que devrait nous apporter la fin du calvaire de nos chers disparus si nous étions plus sages.
Connais tu l'art du grand Deuil, cette science oubliée qui permet de jouer avec nos morts ? Sais-tu user le souvenir d'un disparu, au lieu d'endurer son absence ? Cher disparu ! Il surgit dans ton esprit pour que tu choisisses, au-dedans, entre le mourant et le vivant. Cher disparu ! Il revient te hanter pour que tu chutes dans une larme ou que tu triomphes par un sourire. Ecoute le grand Jeu ! RECHOISIS , EN SON NOM, TA VIE, ET TU HONORERAS SA MORT. Car honorer un mort, c'est seulement être vivant grâce à lui. C'est ainsi : les morts disparaissent pour que nous apparaissions. Ils nous laissent leur absence pour que nous affirmions notre présence. N'évite pas les morts qui te sont chers. C'est tout l'art du deuil : savoir se trouver par eux. Un inconnu
Pourquoi partir en pèlerinage?
Mais aujourd’hui, après cette perte ultime de l’être qui était tout pour moi, je ne sais plus qui je suis. Rien ne me fait vraiment plaisir, mon coeur est blessé, mon âme tourmentée. Est-ce à cause des disparitions successives de mes biens aimés, ou alors l’égarement provoqués par les espoirs maintes fois déçus devant les résultats d’examen, l’oubli de soi-même nécessaire au chevet des grands malades, l’endossement de la casquette d’infirmier ou encore le fait d’être perdu et impuissant face à la douleur intolérable de son cher et tendre ? Je ne sais.
Aujourd’hui, la douleur de la perte et la solitude sont devenues mes compagnes de vie. L’impression d’être un fantôme dans ma propre vie, de continuer sans savoir pourquoi. Etre en mode automatique, travailler car il faut payer les factures, les crédits et se nourrir.
Continuer pour tenir une promesse faite sur un lit de mort ? Cela n’est pas suffisant pour tenir jusqu’à ce que mon heure vienne de me désincarner. Non je ne ferai jamais de folie, car je veux qu’Alain soit fier de moi comme je suis fier de lui, du combat qu’il a mené si longtemps, des souffrances qu’il a enduré sans jamais se plaindre. Il a redéfini le mot courage, et a vécu la résilience. Je me dois d’être digne de lui et de continuer. Mais encore faut-il faut donner un sens à tout cela et ne pas continuer en étant l’ombre de soi-même.
Je sais aussi qu’il veut que je fasse tout pour être heureux et qu’il me « surveille ». Mais comment être heureux quand on a tout perdu (et je ne parle pas de matériel), qu’il ne reste plus personne, que tous les êtres si spéciaux qui nous ont accompagné depuis la naissance et au travers des différentes épreuves de la vie sont repartis dans l’au-delà ? Comment ?
Il me faut avant tout me retrouver, savoir qui je suis à nouveau, me connaitre, et me reconnaitre et tant qu’à faire, faire l’experience du coeur et notamment apprendre à recevoir. Il faut que je me connaisse, que j’identifie mes limites. Je dois apprendre à m’écouter, à écouter mon corps aussi. Il me faut sourire et rire de nouveau, retrouver un peu de ma propre magie, de ma propre lumière. En quelques mots, comme Alain l’a si bien dit, j’ai besoin de renaitre à moi-même. J’espère aussi trouver la connection à moi-même, à mon coeur afin de pouvoir écrire le nouveau chapitre de ma vie « sans oublier mais le coeur léger« .
Pour toutes ces raisons, le pèlerinage des 88 temples de Shikoku s’impose à moi. Quelque chose d’indéfinissable m’y attire et me fait vibrer à cette idée.
Question anecdotique : pourquoi un pèlerinage bouddhiste ? Pourquoi aller si loin alors que le pèlerinage de Compostel démarre en France ? Car Compostel n’était pas une option. Pour la faire courte, je ne me reconnais pas dans la position de l’église sur notre couple, notre Amour, qui nous étions, sur la difficulté d’avoir une cérémonie religieuse pour le grand départ d’Alain… Alors Compostel, non, cela ne me parle pas, ne me fait pas vibrer. Peut-être à tord, mais c’est ainsi.
Le pélerinage de Shikoku, une évidence
Pour moi, pour l’âme d’Alain qui m’accompagnera tout du long, ce sera le Pèlerinage des 88 temples de Shikoku. Je marcherai tels les autres Ohenro dans ce corps physique accompagné de mon baton de pèlerin incarnant Kōbō-Daishi et de mon âme soeur Alain qui me soutiendra dans les épreuves. Ma grand-mère Aimée elle aussi ne sera pas bien loin, je lui fais confiance pour mettre sur ma route des situations loufoques qui me feront sourire pour ne pas dire rire. Elle contribuera à sa façon à rallumer la magie dans mes yeux. Merci à toi. Quant à ma mère, en me suivant, elle apprendra peut-être à se connaitre, sinon ce sera pour sa prochaine vie.
Alors oui, cela va être dur, j’ai 50 ans, je ne suis pas un sportif, j’ai de l’embonpoint, je n’ai plus fait de sport depuis longtemps, nos randonnées datent d’avant la maladie, alors oui, cela va être difficile physiquement et moralement. Mais Alain a été courageux, d’une résilience impressionnante, alors je le ferai, pour moi, pour lui, pour nous.
Mon pèlerinage sera Kugiri’uchi
Je n’ai d’ailleurs aucun objectif concret en termes de délai pour faire la boucle autour de Shikoku. Je sais déjà que je ne pourrai pas faire le pèlerinage en une fois faute d’assez de congés. Je devrai y retourner 1 ou 2 fois et repartir de mon point d’arrêt précedent. Mais qu’importe, cela me permettra de murir et d’intégrer pendant ces intermèdes les enseignements et reflexions. Je me demande même si cela n’est pas mieux pour moi ?! Me laissant à moi, Christophe, pèlerin de Shikoku le temps d’être façonné en profondeur par la mémoire des lieux et les enseignements des chemins.
Je nourris plein d’espoirs sur ce pèlerinage espérant qu’il me permettra :
- de trouver des réponses,
- d’avancer dans la vie sans oublier mais le coeur léger
- surtout de renaitre à moi-même afin d’écrire un nouveau chapitre de ma vie où je pourrais continuer de donner avec le coeur mais de façon plus spirituelle.
Pèlerin de Shikoku vers un nouveau chemin
Je terminerai par ces lignes écrites par mon Cher et Tendre qui voulait lui aussi faire le pèlerinage de Shikoku si le cancer le lui avait permis.
Vers un nouveau chemin, C’est sur les pas de la sagesse qu’aujourd’hui je vais me diriger. A la recherche de moi-même, à la découverte de mon âme, de mon soleil. Un long périple, prochainement, je vais entamer. Dans la boucle de l’infini, sur les traces de cet ancien sage, un à un mes pas il va guider. De porte en porte je vais m’incliner, milles bougies je vais faire briller. Dans la subtilité de l’encens, le sutra du coeur je vais réciter. Une à une les épreuves je vais surpasser, sur ma route la bonté du coeur je vais croiser, tel le messager, dans cette urne, le message je vais déposer. Tel est mon chemin, tel est mon destin. Après l’orage qui gronde, qui lave et qui nettoie, L’éclaircie, enfin ! Un nouveau chemin de Lumière, Renaitre à soi-même ! Alain Aner